“invité par le collectif pour une paix juste en Palestine.”
Dijon - Côte d'Or...
Le Bien Public.- Comment a évolué la situation à Gaza depuis le conflit de décembre-janvier?
Ziad Medoukh.- La situation à Gaza est toujours grave. Le blocus perdure. Lorsque nous étions sous les bombes en décembre et janvier dernier, nous avons beaucoup apprécié la mobilisation populaire en France et ailleurs dans le monde. Depuis mon arrivée en mars en France, je pense que l’opinion publique française a beaucoup évolué en faveur de la cause palestinienne. Il ne faut pas oublier que c’est d’abord une cause de justice: là-bas, il y a une souffrance, une humiliation.
LBP.- La division entre Hamas et Autorité palestinienne pèse-t-elle sur l’avancée des choses?
Z.M.- La division interne, entre le Hamas et l’Autorité palestinienne ajoute à un malheur dont la cause première est l’occupation israélienne. En Palestine, aujourd’hui, il y a deux projets : l’un porté par le Hamas dans la bande de Gaza, l’autre par l’Autorité palestinienne. Israël a participé à cette division en coupant les territoires palestiniens en deux régions isolées, la bande de Gaza et la Cisjordanie. Il faut que les Palestiniens parviennent à un consensus. Pour l’instant ce n’est pas le cas et la population civile continue de souffrir et de résister.
LBP.-Vous êtes enseignant. Quelle réalité vivez -vous aujourd’hui à Gaza ?
Z.M.- Pendant l’offensive de l’hiver dernier, la population de Gaza a vécu trois semaines terribles. 30 % des infrastructures ont été détruites par les bombardements israéliens. Pourtant, il y a une volonté de continuer à vivre. Les Palestiniens n’ont rien à perdre aujourd’hui. À Gaza, il y a une double résistance : contre l’occupation, mais aussi contre les difficultés liées au blocus imposé depuis juin 2007. Les Palestiniens sont restés à côté des ruines de leurs maisons. On compte 18 000 tentes dans la bande de Gaza où logent ces gens. On interdit l’entrée des matériaux de construction à Gaza. Pourtant, cette société palestinienne continue malgré tout à miser sur l’éducation. Trois jours après la fin de l’agression israélienne, le 21 janvier, les cours ont repris. Pourtant, quinze écoles ont été détruites, les trois universités de Gaza avaient été touchées par les bombardements. L’éducation est devenue une forme de résistance non-violente en Palestine. À Gaza, de l’extérieur on peut avoir l’impression que les choses n’avancent pas mais il y a de l’espoir. On sait que le conflit israélo-palestinien ne trouvera pas de solution par la voie militaire, la seule solution, c’est la paix et la population palestinienne s’adaptera.
LBP.-Pensez-vous que le Président Obama peut contribuer à faire évoluer l'approche du dossier Israélo-palestinien?
Z.M.-C'est vrai que par rapport à Georges Bush il y a une différence mais le plus important pour nous, c'est le concret. Les belles paroles d'Obama ont-elles levé le blocus sur Gaza? Non. Ont-elles gêné la colonisation? Non. Je pense que tant qu'il n'y aura pas vraiment une pression forte de la communauté internationale sur le gouvernement israélien, nous n'aurons jamais vraiment la paix. Il faut être conscient d'une chose importante : nous, Palestiniens, ne réclamons pas la lune, nous demandons l'application des lois internationales et des résolutions des nations-unies.
LBP.-Peut-on encore y croire?
Z.M.-Nous avons perdu la terre, la maison… il nous reste une seule chose : l'espoir. Lorsqu'on est sur place, on voit qu'il y a des raisons d'y croire, malgré les montagnes de difficultés auxquelles les populations sont confrontées. A Gaza, il y a un attachement très fort à la terre. En Cisjordanie, malgré le mur qui sépare les villageois de leurs villages, les élèves de leurs écoles, les paysans de leurs terres, il y a une volonté de continuer. Les paysans continuent de cultiver leurs terres. Les élèves se lèvent à 5 heures du matin, en raison du mur et des check-points qui vont les retarder pour se rendre à leurs écoles. Ils font trois heures de trajet par jour pour arriver à l'école. Cela, c'est un signe positif. Il faut saluer le courage des femmes palestiniennes lors de la guerre de l'hiver dernier. Il y a une forme de résistance par la non-violence qui se développe, à travers l'émergence d'une société civile. La détermination, le courage et la patience sont des forces pour la société palestinienne.
LBP.-Vous dirigez le département de français de l'université d'Al-Aqsa. Pouvez-vous nous en parler?
Z.M.-Il faut savoir que l'apprentissage du français, c'est un choix stratégique pour nous. Pour des raisons historiques, la Palestine est plutôt anglophone. L'arabe est la langue maternelle mais l'anglais est la première langue étrangère. La Palestine a été placée sous mandat britannique de 1918 à 1948, date de la création de l'Etat d'israël. Mais depuis 1996 et l'arrivée de l'Autorité palestinienne, il y a une volonté de développer l'apprentissage du français. C'est devenu aujourd'hui la deuxième langue étrangère. Pour nous, le français est une langue d'espoir. Enseigner cette langue, c'est un signe d'ouverture vers la France et vers l'Europe. Notre département, à l'université Al-Aqsa, a été créé en 2 000, avec le concours du consulat général de France à Jérusalem. Notre université est la première à avoir ouvert un département de français et c'est le seul département mixte de l'université. C'est un département d'avenir, qui essaye de faire beaucoup de choses. Il est parvenu à établir des liens entre jeunes palestiniens et jeunes français.
LBP.-A quelles difficultés êtes-vous confronté au quotidien, à Gaza?
Z.M.- Vivre à Gaza aujourd'hui, cela veut dire être privé de beaucoup de choses. Pour 1,5 millions de Palestiniens, ce sont des coupures d'électricité permanentes, une pénurie de produits alimentaires, de médicaments, le manque de carburant. Nous vivons un quotidien très difficile. Pour un universitaire, c'est une souffrance permanente. Normalement, je commence ma journée à 8 heures du matin. Avant, avec les moyens de transport, je pouvais quitter ma maison à 7h45, mais aujourd'hui, je dois me lever à 6h30 pour marcher jusqu'à l'université. Je marche un quart d'heure mais lorsque j'arrive à l'université, j'ai en face de moi des étudiants qui ont marché deux heures pour venir suivre les cours. Taxi et bus ne fonctionnent pas. A l'université, en raison du blocus, on manque parfois de fournitures scolaires, mais, à chaque fois on s'adapte. Des étudiants se partage les livres. C'est en cela que je dis que l'éducation est devenue une forme de résistance. Les universitaires souffrent beaucoup, mais ils s'adaptent.
LBP.-Vous avez créé un Centre de la paix. A quoi sert-il?
Z.M.-C'est un centre qui se veut pratique, avec beaucoup d'échanges. Nous faisons régulièrement appel à des spécialistes de la non-violence et nous inculquons certains principes à nos étudiants. Le rôle de l'université ce aussi d'attirer les étudiants pour qu'ils ne tombent pas dans les mains des extrêmistes. Nous sommes le bastion de la résistance non-violente contre l'occupation. Notre Centre de la paix tente de proposer des éléments d'espoir dans une région désespérée. Le Centre de la paix continue de fonctionner, malgré les difficultés.
LBP.-L'existence d'associations telles que France-Palestine Solidarité est-elle vitale pour vous?
Z.M.-Nous, les Palestiniens de l'intérieur, nous comptons beaucoup sur les sociétés civiles de pays comme la France. Il faut reconnaître que beaucoup de représentants de la communauté internationale "politique" ou "officiels" gardent un silence complice par rapport aux Israéliens. Les société civiles, c'est tout ce qui nous reste à l'extérieur de Gaza. Les militants qui continuent à se mobiliser, à interpeller leurs élus sont très importants. Ils font un travail remarquable sur le terrain.
pour le collectif pour une paix juste en Palestine
http://www.bienpublic.com/fr/accueil/article/2050473,1275/L-education-est-une-forme-de-resistance.html